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LIVRE ix.

gardent des citadelles dont nous voulons nous servir pour les réduire en servitude.

Mentor répondit ainsi à Idoménée : Vous êtes un sage roi, et vous voulez qu’on vous découvre la vérité sans aucun adoucissement. Vous n’êtes point comme ces hommes faibles qui craignent de la voir, et qui, manquant de courage pour se corriger, n’emploient leur autorité qu’à soutenir les fautes qu’ils ont faites. Sachez donc que ce peuple barbare vous a donné une merveilleuse leçon, quand il est venu vous demander la paix. Était-ce par faiblesse qu’il la demandait ? Manquait-il de courage, ou de ressources contre vous ? Vous voyez bien que non, puisqu’il est si aguerri, et soutenu par tant se voisins redoutables. Que n’imitiez-vous sa modération ! Mais une mauvaise honte et une fausse gloire vous ont jeté dans ce malheur. Vous avez craint de rendre l’ennemi trop fier ; et vous n’avez pas craint de le rendre trop puissant, en réunissant tant de peuples contre vous par une conduite hautaine et injuste. À quoi servent ces tours que vous vantez tant, sinon à mettre tous vos voisins dans la nécessité de périr, ou de vous faire périr vous-même, pour se préserver d’une servitude prochaine ? Vous n’avez élevé ces tours que pour votre sûreté ; et c’est par ces tours que vous êtes dans un si grand péril. Le rempart le plus sûr d’un État est la justice, la modération, la bonne foi, et l’assurance où sont vos voisins que vous êtes incapable d’usurper leurs terres. Les plus fortes murailles peuvent tomber par divers accidents imprévus ; la fortune est capricieuse et inconstante dans la guerre ; mais l’amour et la confiance de vos voisins, quand ils ont senti votre modération, font que votre État ne peut être vaincu, et n’est presque jamais attaqué. Quand même un voisin injuste l’attaquerait, tous les autres, in-