Aller au contenu

Page:Fenelon - Aventures de Telemaque suivies du recueil des fables, Didot, 1841.djvu/20

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
5
LIVRE i.

revenaient sur leurs pas, comme pour remonter vers leur source, et semblaient ne pouvoir quitter ces bords enchantés. On apercevait de loin des collines et des montagnes qui se perdaient dans les nues et dont la figure bizarre formait un horizon à souhait pour le plaisir des yeux. Les montagnes voisines étaient couvertes de pampre vert, qui pendait en festons : le raisin, plus éclatant que la pourpre, ne pouvait se cacher sous les feuilles, et la vigne était accablée sous son fruit. Le figuier, l’olivier, le grenadier et tous les autres arbres, couvraient la campagne, et en faisaient un grand jardin.

Calypso, ayant montré à Télémaque toutes ces beautés naturelles, lui dit : Reposez-vous ; vos habits sont mouillés, il est temps que vous en changiez : ensuite nous nous reverrons, et je vous raconterai des histoires dont votre cœur sera touché. En même temps elle le fit entrer avec Mentor dans le lieu le plus secret et le plus reculé d’une grotte voisine de celle où la déesse demeurait. Les nymphes avaient eu soin d’allumer en ce lieu un grand feu de bois de cèdre dont la bonne odeur se répandait de tous côtés, et elles y avaient laissé des habits pour les nouveaux hôtes.

Télémaque, voyant qu’on lui avait destiné une tunique d’une laine fine, dont la blancheur effaçait celle de la neige, et une robe de pourpre avec une broderie d’or, prit le plaisir qui est naturel à un jeune homme, en considérant cette magnificence.

Mentor lui dit d’un ton grave : Est-ce donc là, ô Télémaque ! les pensées qui doivent occuper le cœur du fils d’Ulysse ? Songez plutôt à soutenir la réputation de votre père et à vaincre la fortune qui vous persécute. Un jeune homme qui aime à se parer vainement, comme une femme est indigne de la sagesse et de la gloire : la gloire n’est due qu’à