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Page:Fenelon - Aventures de Telemaque suivies du recueil des fables, Didot, 1841.djvu/208

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LIVRE ix.

de lui-même. S’il est vrai que vous ne désiriez qu’une bonne paix, la voilà qui se présente à vous, et qui vous ôte tout prétexte de reculer. Encore une fois, ne vous imaginez pas que la crainte réduise Idoménée à vous faire ces offres ; c’est la sagesse et la justice qui l’engagent à prendre ce parti, sans se mettre en peine si vous imputerez à faiblesse ce qu’il fait par vertu. Dans les commencements, il a fait des fautes, et il met sa gloire à les reconnaître par les offres dont il vous prévient. C’est faiblesse, c’est vanité, c’est ignorance grossière de son propre intérêt, que d’espérer de pouvoir cacher ses fautes en affectant de les soutenir avec fierté et avec hauteur. Celui qui avoue ses fautes à son ennemi, et qui offre de les réparer, montre par là qu’il est devenu incapable d’en commettre, et que l’ennemi a tout à craindre d’une conduite si sage et si ferme, à moins qu’il ne fasse la paix. Gardez-vous bien de souffrir qu’il vous mette à son tour dans le tort. Si vous refusez la paix et la justice qui viennent à vous, la paix et la justice seront vengées. Idoménée, qui devait craindre de trouver les dieux irrités contre lui, les tournera pour lui contre vous. Télémaque et moi nous combattrons pour la bonne cause. Je prends tous les dieux du ciel et des enfers à témoin des justes propositions que je viens de vous faire.

En achevant ces mots, Mentor leva son bras, pour montrer à tant de peuples le rameau d’olivier qui était dans sa main le signe pacifique. Les chefs, qui le regardaient de près, furent étonnés et éblouis du feu divin qui éclatait dans ses yeux. Il parut avec une majesté et une autorité qui est au-dessus de tout ce qu’on voit dans les plus grands d’entre les mortels. Le charme de ses paroles douces et fortes enlevait les cœurs ; elles étaient semblables à ces paroles enchantées qui tout à coup, dans le profond silence