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LIVRE ix.

génisses blanches comme la neige, et autant de taureaux de même couleur, dont les cornes étaient dorées et ornées de festons. On entendait retentir, Jusque dans les montagnes voisines, le mugissement affreux des victimes qui tombaient sous le couteau sacré. Le sang fumant ruisselait de toutes parts. On faisait couler avec abondance un vin exquis pour les libations. Les aruspices consultaient les entrailles qui palpitaient encore. Les sacrificateurs brûlaient sur les autels un encens qui formait un épais nuage, et dont la bonne odeur parfumait toute la campagne.

Cependant les soldats des deux partis, cessant de se regarder d’un œil ennemi, commençaient à s’entretenir sur leurs aventures. Ils se délassaient déjà de leurs travaux, et goûtaient par avance les douceurs de la paix. Plusieurs de ceux qui avaient suivi Idoménée au siège de Troie reconnurent ceux de Nestor qui avaient combattu dans la même guerre. Ils s’embrassaient avec tendresse, et se racontaient mutuellement tout ce qui leur était arrivé depuis qu’ils avaient ruiné la superbe ville qui était l’ornement de toute l’Asie. Déjà ils se couchaient sur l’herbe, se couronnaient de fleurs et buvaient ensemble le vin qu’on apportait de la ville dans de grands vases, pour célébrer une si heureuse journée.

Tout à coup Mentor dit aux rois et aux capitaines assemblés : Désormais, sous divers noms et sous divers chefs, vous ne ferez plus qu’un seul peuple. C’est ainsi que les justes dieux, amateurs des hommes qu’ils ont formés, veulent être le lien éternel de leur parfaite concorde. Tout le genre humain n’est qu’une famille dispersée sur la face de toute la terre ; tous les peuples sont frères, et doivent s’aimer comme tels. Malheur à ces impies qui cherchent une gloire cruelle dans le sang de leurs frères, qui est leur pro-