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Page:Fenelon - Aventures de Telemaque suivies du recueil des fables, Didot, 1841.djvu/229

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TÉLÉMAQUE.

ménée, malgré tout ce que j’ai repris en lui. Il est naturellement sincère, droit, équitable, libéral, bienfaisant ; sa valeur est parfaite ; il déteste la fraude quand il la connaît, et qu’il suit librement la véritable pente de son cœur. Tous ses talents extérieurs sont grands, et proportionnés à sa place. Sa simplicité à avouer son tort ; sa douceur, sa patience pour se laisser dire par moi les choses les plus dures ; son courage contre lui-même pour réparer publiquement ses fautes, et pour se mettre par là au-dessus de toute la critique des hommes, montrent une âme véritablement grande. Le bonheur, ou le conseil d’autrui, peuvent préserver de certaines fautes un homme très-médiocre ; mais il n’y a qu’une vertu extraordinaire qui puisse engager un roi, si longtemps séduit par la flatterie, à réparer son tort. Il est bien plus glorieux de se relever ainsi, que de n’être jamais tombé. Idoménée a fait les fautes que presque tous les rois font ; mais presque aucun roi ne fait, pour se corriger, ce qu’il vient de faire. Pour moi, je ne pouvais me lasser de l’admirer dans les moments mêmes où il me permettait de le contredire. Admirez-le aussi, mon cher Télémaque : c’est moins pour sa réputation que pour votre utilité, que je vous donne ce conseil.

Mentor fit sentir à Télémaque, par ce discours, combien il est dangereux d’être injuste en se laissant aller à une critique rigoureuse contre les autres hommes, et surtout contre ceux qui sont chargés des embarras et des difficultés du gouvernement. Ensuite il lui dit : Il est temps que vous partiez ; adieu : je vous attendrai. Ô mon cher Télémaque, souvenez-vous que ceux qui craignent les dieux n’ont rien à craindre des hommes. Vous vous trouverez