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LIVRE xi.

son pays ; on laisse les terres presque incultes ; on truble le commerce ; mais, ce qui est bien pis, on affaiblit les meilleures lois, et on laisse corrompre les mœurs ; la jeunesse ne s’adonne plus aux lettres ; le pressant besoin fait qu’on souffre une licence pernicieuse dans les troupes ; la justice, la police, tout souffre de ce désordre. Un roi qui verse le sang de tant d’hommes, et qui cause tant de malheurs pour acquérir un peu de gloire, ou pour étendre les bornes de son royaume, est indigne de la gloire qu’il cherche, et mérite de perdre ce qu’il possède, pour avoir voulu usurper ce qui ne lui appartient pas.

Mais voici le moyen d’exercer le courage d’une nation en temps de paix. Vous avez déjà vu les exercices du corps que nous établissons, les prix qui exciteront l’émulation, les maximes de gloire et de vertu dont on remplira les âmes des enfants, presque dès le berceau, par le chant des grandes actions des héros ; ajoutez à ces secours celui d’une vie sobre et laborieuse. Mais ce n’est pas tout : aussitôt qu’un peuple allié de votre nation aura une guerre, il faut y envoyer la fleur de votre jeunesse, surtout ceux en qui on remarquera le génie de la guerre, et qui seront les plus propres à profiter de l’expérience. Par là vous conserverez une haute réputation chez vos alliés : votre alliance sera recherchée, on craindra de la perdre : sans avoir la guerre chez vous et à vos dépens, vous aurez toujours une jeunesse aguerrie et intrépide. Quoique vous ayez la paix chez vous, vous ne laisserez pas de traiter avec de grands honneurs ceux qui auront le talent de la guerre : car le vrai moyen d’éloigner la guerre et de conserver une longue paix, c’est de cultiver les armes, c’est d’honorer les hommes qui excellent dans cette profession, c’est d’en avoir toujours qui s’y soient exercés dans les pays étrangers, et qui con-