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LIVRE xiii.

bien plus doux ; mais il était abattu par une douleur que rien ne pouvait consoler.

Pendant que les princes étaient dans cette agitation, toutes les troupes étaient consternées ; tout le camp paraissait comme une maison désolée qui vient de perdre un père de famille, l’appui de tous ses proches et la douce espérance de ses petits-enfants. Dans ce désordre et cette consternation de l’armée, on entend tout à coup un bruit effroyable de chariots, d’armes, de hennissements de chevaux, de cris d’hommes, les uns vainqueurs et animés au carnage, les autres ou fuyants, ou mourants, ou blessés. Un tourbillon de poussière forme un épais nuage qui couvre le ciel et qui enveloppe tout le camp. Bientôt à la poussière se joint une fumée épaisse qui troublait l’air et qui ôtait la respiration. On entendait un bruit sourd, semblable à celui des tourbillons de flamme que le mont Etna vomit du fond de ses entrailles embrasées, lorsque Vulcain, avec ses Cyclopes, y forge des foudres pour le père des dieux. L’épouvante saisit les cœurs.

Adraste, vigilant et infatigable, avait surpris les alliés ; il leur avait caché sa marche, et il était instruit de la leur. Pendant deux nuits, il avait fait une incroyable diligence pour faire le tour d’une montagne presque inaccessible, dont les alliés avaient saisi tous les passages. Tenant ces défilés, ils se croyaient en pleine sûreté, et prétendaient même pouvoir, par ces passages qu’ils occupaient, tomber sur l’ennemi derrière la montagne, quand quelques troupes qu’ils attendaient leur seraient venues. Adraste, qui répandait l’argent à pleines mains pour savoir le secret de ses ennemis, avait appris leur résolution ; car Nestor et Philoctète, ces deux capitaines d’ailleurs si sages et si