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Page:Fenelon - Aventures de Telemaque suivies du recueil des fables, Didot, 1841.djvu/310

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LIVRE xiii.

qu’ont d’ordinaire les gens secrets ; il ne paraissait point chargé du poids du secret qu’il devait garder ; on le trouvait toujours libre, naturel, ouvert comme un homme qui a son cœur sur ses lèvres. Mais en disant tout ce qu’on pouvait dire sans conséquence, il savait s’arrêter précisément et sans affectation aux choses qui pouvaient donner quelque soupçon et entamer son secret : par là son cœur était impénétrable et inaccessible. Ses meilleurs amis mêmes ne savaient que ce qu’il croyait utile de leur découvrir pour en tirer de sages conseils, et il n’y avait que le seul Mentor pour lequel il n’avait aucune réserve. Il se confiait à d’autres amis, mais à divers degrés, et à proportion de ce qu’il avait éprouvé leur amitié et leur sagesse.

Télémaque avait souvent remarqué que les résolutions du conseil se répandaient un peu trop dans le camp ; il en avait averti Nestor et Philoctète. Mais ces deux hommes si expérimentés ne firent pas assez d’attention à un avis si salutaire : la vieillesse n’a plus rien de souple, la longue habitude la tient comme enchaînée ; elle n’a presque plus de ressource contre ses défauts. Semblables aux arbres dont le tronc rude et noueux s’est durci par le nombre des années, et ne peut plus se redresser, les hommes, à un certain âge, ne peuvent presque plus se plier eux-mêmes contre certaines habitudes qui ont vieilli avec eux, et qui sont entrées jusque dans la moelle de leurs os. Souvent ils les connaissent, mais trop tard ; ils en gémissent en vain : et la tendre jeunesse est le seul âge où l’homme peut encore tout sur lui-même pour se corriger.

Il y avait dans l’armée un Dolope, nommé Eurymaque, flatteur insinuant, sachant s’accommoder à tous les goûts et à toutes les inclinations des princes, inventif et industrieux pour trouver de nouveaux moyens de leur plaire. À