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Page:Fenelon - Aventures de Telemaque suivies du recueil des fables, Didot, 1841.djvu/317

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TÉLÉMAQUE.

table Hector même ; enfin introduisant Ulysse dans cette fatale machine qui devait en une seule nuit renverser l’empire de Priam.

D’un autre côté, ce bouclier représentait Cérès dans les fertiles campagnes d’Enna, qui sont au milieu de la Sicile. On voyait la déesse qui rassemblait les peuples épars çà et là, cherchant leur nourriture par la chasse, ou cueillant les fruits sauvages qui tombaient des arbres. Elle montrait à ces hommes grossiers l’art d’adoucir la terre, et de tirer de son sein fécond leur nourriture. Elle leur présentait une charrue, et y faisait atteler des bœufs. On voyait la terre s’ouvrir en sillons par le tranchant de la charrue ; puis on apercevait les moissons dorées qui couvraient ces fertiles campagnes : le moissonneur, avec sa faux, coupait les doux fruits de la terre, et se payait de toutes ses peines. Le fer, destiné ailleurs à tout détruire, ne paraissait employé, en ce lieu, qu’à préparer l’abondance, et qu’à faire naître tous les plaisirs.

Les nymphes, couronnées de fleurs, dansaient ensemble dans une prairie, sur le bord d’une rivière, auprès d’un bocage : Pan jouait de la flûte ; les Faunes et les Satyres folâtres sautaient dans un coin. Bacchus y paraissait aussi couronné de lierre, appuyé d’une main sur son thyrse, et tenant de l’autre une vigne ornée de pampre et de plusieurs grappes de raisin. C’était une beauté molle, avec je ne sais quoi de noble, de passionné et de languissant : il était tel qu’il parut à la malheureuse Ariane, lorsqu’il la trouva seule, abandonnée, et abîmée dans la douleur, sur un rivage inconnu.

Enfin on voyait de toutes parts un peuple nombreux, des vieillards qui allaient porter dans les temples les prémices de leurs fruits ; de jeunes hommes qui revenaient