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Page:Fenelon - Aventures de Telemaque suivies du recueil des fables, Didot, 1841.djvu/323

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TÉLÉMAQUE.

entraînent presque toujours les rois dans des guerres où ils se rendent malheureux, où ils hasardent tout sans nécessité, et où ils font autant de mal à leurs sujets qu’à leurs ennemis. Ainsi raisonnait Télémaque.

Mais il ne se contentait pas de déplorer les maux de la guerre ; il tâchait de les adoucir. On le voyait aller dans les tentes secourir lui-même les malades et les mourants ; il leur donnait de l’argent et des remèdes ; il les consolait et les encourageait par des discours pleins d’amitié ; il envoyait visiter ceux qu’il ne pouvait visiter lui-même.

Parmi les Crétois qui étaient avec lui, il y avait deux vieillards, dont l’un se nommait Traumaphile, et l’autre Nosophuge. Traumaphile avait été au siège de Troie avec Idoménée, et avait appris des enfants d’Esculape l’art divin de guérir les plaies. Il répandait dans les blessures les plus profondes et les plus envenimées une liqueur odoriférante, qui consumait les chairs mortes et corrompues, sans avoir besoin de faire aucune incision, et qui formait promptement de nouvelles chairs plus saines et plus belles que les premières.

Pour Nosophuge, il n’avait jamais vu les enfants d’Esculape ; mais il avait eu, par le moyen de Mérione, un livre sacré et mystérieux qu’Esculape avait donné à ses enfants. D’ailleurs Nosophuge était ami des dieux ; il avait composé des hymnes en l’honneur des enfants de Latone ; il offrait tous les jours le sacrifice d’une brebis blanche et sans tache à Apollon, par lequel il était souvent inspiré. À peine avait-il vu un malade, qu’il connaissait à ses yeux, à la couleur de son teint, à la conformation de son corps, et à sa respiration, la cause de sa maladie. Tantôt il donnait des remèdes qui faisaient suer, et il montrait, par le succès des sueurs, combien la transpiration, facilitée ou di-