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TÉLÉMAQUE.

Le port et la terre semblaient fuir derrière nous, et se perdre dans les nues. En même temps nous voyons approcher les navires des Égyptiens, semblables à une ville flottante. Les Phéniciens les reconnurent, et voulurent s’en éloigner ; mais il n’était plus temps ; leurs voiles étaient meilleures que les nôtres ; le vent les favorisait ; leurs rameurs étaient en plus grand nombre. Ils nous abordent, nous prennent et nous emmènent prisonniers en Égypte.

En vain je leur représentai que je n’étais pas Phénicien ; à peine daignèrent-ils m’écouter : ils nous regardèrent comme des esclaves dont les Phéniciens trafiquaient ; et ils ne songèrent qu’au profit d’une telle prise. Déjà nous remarquons les eaux de la mer qui blanchissent par le mélange de celles du Nil, et nous voyons la côte d’Égypte, presque aussi basse que la mer. Ensuite nous arrivons à l’île de Pharos, voisine de la ville de No ; de là nous remontons le Nil jusqu’à Memphis.

Si la douleur de notre captivité ne nous eût rendus insensibles à tous les plaisirs, nos yeux auraient été charmés de voir cette fertile terre d’Égypte, semblable à un jardin délicieux arrosé d’un nombre infini de canaux. Nous ne pouvions jeter les yeux sur les deux rivages sans apercevoir des villes opulentes, des maisons de campagne agréablement situées, des terres qui se couvraient tous les ans d’une moisson dorée sans se reposer jamais, des prairies pleines de troupeaux, des laboureurs qui étaient accablés sous le poids des fruits que la terre épanchait de son sein, des bergers qui faisaient répéter les doux sons de leurs flûtes et de leurs chalumeaux à tous les échos d’alentour.

Heureux, disait Mentor, le peuple qui est conduit par un sage roi ! Il est dans l’abondance ; il vit heureux, et