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Page:Fenelon - Aventures de Telemaque suivies du recueil des fables, Didot, 1841.djvu/350

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LIVRE xiv.

celui du reste des hommes qui avaient aimé la vertu sur la terre.

Télémaque s’avança vers ces rois, qui étaient dans des bocages odoriférants, sur des gazons toujours renaissants et fleuris : mille petits ruisseaux d’une onde pure arrosaient ces beaux lieux, et y faisaient sentir une délicieuse fraîcheur ; un nombre infini d’oiseaux faisaient résonner ces bocages de leur doux chant. On voyait tout ensemble les fleurs du printemps, qui naissaient sous les pas, avec les plus riches fruits de l’automne, qui pendaient des arbres. Là, jamais on ne ressentit les ardeurs de la furieuse canicule ; là, jamais les noirs aquilons n’osèrent souffler, ni faire sentir les rigueurs de l’hiver. Ni la guerre altérée de sang, ni la cruelle envie qui mord d’une dent venimeuse, et qui porte des vipères entortillées dans son sein et autour de ses bras ; ni les jalousies, ni les défiances, ni la crainte, ni les vains désirs, n’approchent jamais de cet heureux séjour de la paix. Le jour n’y finit point, et la nuit, avec ses sombres voiles, y est inconnue : une lumière pure et douce se répand autour des corps de ces hommes justes, et les environne de ses rayons comme d’un vêtement. Cette lumière n’est point semblable à la lumière sombre qui éclaire les yeux des misérables mortels, et qui n’est que ténèbres ; c’est plutôt une gloire céleste qu’une lumière : elle pénètre plus subtilement les corps les plus épais, que les rayons du soleil ne pénètrent le plus pur cristal : elle n’éblouit jamais ; au contraire, elle fortifie les yeux, et porte dans le fond de l’âme je ne sais quelle sérénité : c’est d’elle seule que ces hommes bienheureux sont nourris ; elle sort d’eux, et elle y entre ; elle les pénètre, et s’incorpore à eux comme les aliments s’incorporent à nous. Ils la voient, ils la sentent, ils la respirent ; elle fait naître