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TÉLÉMAQUE.

comme vous. Si les oracles de l’Érèbe ne sont pas trompeurs, il vit encore : mais, hélas ! il ne vit point pour moi. J’ai abandonné Ithaque pour le chercher ; je ne puis revoir maintenant ni Ithaque, ni lui ; jugez par mes malheurs de la compassion que j’ai pour les vôtres. C’est l’avantage qu’il y a à être malheureux, qu’on sait compatir aux peines d’autrui. Quoique je ne sois ici qu’étranger, je puis, grand Diomède ( car, malgré les misères qui ont accablé ma patrie dans mon enfance, je n’ai pas été assez mal élevé pour ignorer quelle est votre gloire dans les combats), je puis, ô le plus invincible de tous les Grecs après Achille, vous procurer quelque secours. Ces princes que vous voyez sont humains ; ils savent qu’il n’y a ni vertu, ni vrai courage, ni gloire solide, sans l’humanité. Le malheur ajoute un nouveau lustre à la gloire des hommes ; il leur manque quelque chose quand ils n’ont jamais été malheureux ; il manque dans leur vie des exemples de patience et de fermeté ; la vertu souffrante attendrit tous les cœurs qui ont quelque goût pour la vertu. Laissez-nous donc le soin de vous consoler : puisque les dieux vous mènent à nous, c’est un présent qu’ils nous font, et nous devons nous croire heureux de pouvoir adoucir vos peines.

Pendant qu’il parlait, Diomède étonné le regardait fixement, et sentait son cœur tout ému. Ils s’embrassaient comme s’ils avaient été longtemps liés d’une amitié étroite. Ô digne fils du sage Ulysse ! disait Diomède, je reconnais en vous la douceur de son visage, la grâce de ses discours, la force de son éloquence, la noblesse de ses sentiments, la sagesse de ses pensées.

Cependant Philoctète embrasse aussi le grand fils de Tydée ; ils se racontent leurs tristes aventures. Ensuite