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Page:Fenelon - Aventures de Telemaque suivies du recueil des fables, Didot, 1841.djvu/420

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LIVRE xvii.

et elle surpasse la plus exquise peinture par la délicatesse de ses broderies. Heureux l’homme qu’un doux hymen unira avec elle ! il n’aura à craindre que de la perdre et de lui survivre.

Je prends ici, mon cher Mentor, les dieux à témoin que je suis tout prêt à partir : j’aimerai Antiope tant que je vivrai ; mais elle ne retardera pas d’un moment mon retour à Ithaque. Si un autre la devait posséder, je passerais le reste de mes jours avec tristesse et amertume ; mais enfin je la quitterais. Quoique je sache que l’absence peut me la faire perdre, je ne veux ni lui parler, ni parler à son père de mon amour ; car je ne dois en parler qu’à vous seul, jusqu’à ce qu’Ulysse, remonté sur son trône, m’ait déclaré qu’il y consent. Vous pouvez reconnaître par là, mon cher Mentor, combien cet attachement est différent de la passion dont vous m’avez vu aveuglé pour Eucharis.

Mentor répondit à Télémaque : Je conviens de cette différence. Antiope est douce, simple et sage ; ses mains ne méprisent point le travail ; elle prévoit de loin ; elle pourvoit à tout ; elle sait se taire, et agir de suite sans empressement ; elle est à toute heure occupée, et ne s’embarrasse jamais, parce qu’elle fait chaque chose à propos : le bon ordre de la maison de son père est sa gloire ; elle en est plus ornée que de sa beauté. Quoiqu’elle ait soin de tout, et qu’elle soit chargée de corriger, de refuser, d’épargner (choses qui font haïr presque toutes les femmes), elle s’est rendue aimable à toute la maison : c’est qu’on ne trouve en elle ni passion, ni entêtement, ni légèreté, ni humeur, comme dans les autres femmes. D’un seul regard elle se fait entendre, et on craint de lui déplaire ; elle donne des ordres précis ; elle n’ordonne que