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LIVRE xvii.

Enfin Télémaque lui répondit d’une voix troublée et timide : Je ne suis point à moi ; les destinées me rappellent dans ma patrie. Mentor, qui a la sagesse des dieux, m’ordonne en leur nom de partir. Que voulez-vous que je fasse ? Renoncerai-je à mon père, à ma mère, à ma patrie, qui me doit être encore plus chère qu’eux ? Étant né pour être roi, je ne suis pas destiné à une vie douce et tranquille, ni à suivre mes inclinations. Votre royaume est plus riche et plus puissant que celui de mon père ; mais je dois préférer ce que les dieux me destinent, à ce que vous avez la bonté de m’offrir. Je me croirais heureux si j’avais Antiope pour épouse, sans espérance de votre royaume : mais, pour m’en rendre digne, il faut que j’aille où mes devoirs m’appellent, et que ce soit mon père qui vous la demande pour moi. Ne m’avez-vous pas promis de me renvoyer à Ithaque ? N’est-ce pas sur cette promesse que j’ai combattu pour vous contre Adraste avec les alliés ? Il est temps que je songe à réparer mes malheurs domestiques. Les dieux, qui m’ont donné à Mentor, ont aussi donné Mentor au fils d’Ulysse pour lui faire remplir ses destinées. Voulez-vous que je perde Mentor, après avoir perdu tout le reste ? Je n’ai plus ni biens, ni retraite, ni père, ni mère, ni patrie assurée ; il ne me reste qu’un homme sage et vertueux, qui est le plus précieux don de Jupiter : jugez vous-même si je puis y renoncer, et consentir qu’il m’abandonne. Non, je mourrais plutôt. Arrachez-moi la vie ; la vie n’est rien : mais ne m’arrachez pas Mentor.

À mesure que Télémaque parlait, sa voix devenait plus forte, et sa timidité disparaissait. Idoménée ne savait que répondre, et ne pouvait demeurer d’accord de ce que le fils d’Ulysse lui disait. Lorsqu’il ne pouvait plus parler,