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Page:Fenelon - Aventures de Telemaque suivies du recueil des fables, Didot, 1841.djvu/456

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LIVRE xviii.

ouvre les portes de l’orient, et enflamme tout l’horizon ; ses yeux creux et austères se changent en des yeux bleus d’une douceur céleste et pleins d’une flamme divine ; sa barbe grise et négligée disparaît ; des traits nobles et tiers, mêlés de douceur et de grâce, se montrent aux yeux de Télémaque ébloui. Il reconnaît un visage de femme, avec un teint plus uni qu’une fleur tendre : on y voit la blancheur des lis mêlés de roses naissantes : sur ce visage fleurit une éternelle jeunesse, avec une majesté simple et négligée. Une odeur d’ambroisie se répand de ses cheveux flottants ; ses habits éclatent comme les vives couleurs dont le soleil, en se levant, peint les sombres voûtes du ciel, et les nuages qu’il vient dorer. Cette divinité ne touche pas du pied à terre ; elle coule légèrement dans l’air comme un oiseau le fend de ses ailes : elle tient de sa puissante main une lance brillante, capable de faire trembler les villes et les nations les plus guerrières ; Mars même en serait effrayé. Sa voix est douce et modérée, mais forte et insinuante ; toutes ses paroles sont des traits de feu qui percent le cœur de Télémaque, et qui lui font ressentir je ne sais quelle douleur délicieuse. Sur son casque paraît l’oiseau triste d’Athènes, et sur sa poitrine brille la redoutable égide. À ces marques, Télémaque reconnaît Minerve.

Ô déesse, dit-il, c’est donc vous-même qui avez daigné conduire le fils d’Ulysse pour l’amour de son père ! Il voulait en dire davantage ; mais la voix lui manqua ; ses lèvres s’efforçaient en vain d’exprimer les pensées qui sortaient avec impétuosité du fond de son cœur : la divinité présente l’accablait, et il était comme un homme qui, dans un songe, est oppressé jusqu’à perdre la respiration, et qui, par l’agitation pénible de ses lèvres, ne peut former aucune voix.