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FABLES.

plus qu’un canal de rivière, d’une eau pure et transparente. Ce fleuve était le Pactole, dont les eaux coulaient sur un sable doré. On voyait sur ce fleuve des vaisseaux avec des rameurs vêtus des plus riches étoffes couvertes d’une broderie d’or. Les bancs des rameurs étaient d’ivoire, les rames, d’ébène ; le bec des proues, d’argent ; tous les cordages, de soie ; les voiles, de pourpre ; et le corps des vaisseaux, de bois odoriférant comme le cèdre. Tous les cordages étaient ornés de festons ; tous les matelots étaient couronnés de fleurs. Il coulait quelquefois, dans l’endroit des jardins qui étaient sous les fenêtres de Crésus, un ruisseau d’essence, dont l’odeur exquise s’exhalait dans tout le palais. Crésus avait des lions, des tigres et des léopards, auxquels on avait limé les dents et les griffes, qui étaient attelés à de petits chars d’écaille de tortue garnis d’argent. Ces animaux féroces étaient conduits par un frein d’or et par des rênes de soie. Ils servaient au roi et à toute la cour pour se promener dans les vastes routes d’une forêt qui conservait sous ses rameaux impénétrables une éternelle nuit. Souvent on faisait aussi des courses avec ces chars le long du fleuve, dans une prairie unie comme un tapis vert. Ces fiers animaux couraient si légèrement et avec tant de rapidité, qu’ils ne laissaient pas même sur l’herbe tendre la moindre trace de leurs pas, ni des roues qu’ils traînaient après eux. Chaque jour on inventait de nouvelles espèces de courses pour exercer la vigueur et l’adresse des jeunes gens. Crésus, à chaque nouveau jeu, attachait quelque grand prix pour le vainqueur. Aussi les jours coulaient dans les délices, et parmi les plus agréables spectacles.

Callimaque résolut de surprendre tous les Lydiens par le moyen de son anneau. Plusieurs jeunes hommes de la plus haute naissance avaient couru devant le roi, qui était descendu de son char dans la prairie, pour les voir courir. Dans le moment où tous les prétendants eurent achevé leur course, et que Crésus examinait à qui le prix devait appartenir, Calli-