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Page:Fenelon - Aventures de Telemaque suivies du recueil des fables, Didot, 1841.djvu/498

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FABLES.

rivant il fut surpris, car il était peu accoutumé à la magnificence ; jusqu’alors il n’avait vu que son terrier, et le poulailler d’un fermier voisin, où il était d’ordinaire assez mal reçu. Il voit là des colonnes de marbre, là des portes d’or, des bas-reliefs de diamant. Il entra dans plusieurs chambres, dont les tapisseries étaient admirables : on y voyait des chasses, des combats, des fables où les dieux se jouaient parmi les hommes ; enfin l’histoire de don Quichotte, où Sancho, monté sur son grison, allait gouverner l’île que le duc lui avait confiée. Puis il aperçut des cages où l’on avait renfermé des lions et des léopards. Pendant que le renard regardait ces merveilles, deux chiens du palais l’étranglèrent. Il se trouva mal de sa curiosité.





XIII. Les deux Renards.




Deux renards entrèrent la nuit par surprise dans un poulailler ; ils étranglèrent le coq, les poules et les poulets : après ce carnage, ils apaisèrent leur faim. L’un, qui était jeune et ardent, voulait tout dévorer ; l’autre, qui était vieux et avare, voulait garder quelques provisions pour l’avenir. Le vieux disait : Mon enfant, l’expérience m’a rendu sage ; j’ai vu bien des choses depuis que je suis au monde. Ne mangeons pas tout notre bien en un seul jour. Nous avons fait fortune ; c’est un trésor que nous avons trouvé, il faut le ménager. Le jeune répondit : Je veux tout manger pendant que j’y suis, et me rassasier pour huit jours : car pour ce qui est de revenir ici, chansons ! il n’y fera pas bon demain ; le maître, pour venger la mort de ses poules, nous assommerait. Après cette conversation, chacun prend son parti. Le jeune mange tant, qu’il se crève, et peut à peine aller mourir dans son terrier. Le vieux, qui se croit bien plus sage de modérer ses appétits et de vivre d’économie, veut le lendemain retourner à sa proie, et est assommé par le maître.