Aller au contenu

Page:Fenelon - Aventures de Telemaque suivies du recueil des fables, Didot, 1841.djvu/511

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
494
FABLES.

sentirent malgré eux une douceur qui les ravissait. La lyre d’Orphée, qui avait enchanté les rochers et les bois, échappa de ses mains, et des larmes amères coulèrent de ses yeux. Homère oublia pour un moment la magnificence rapide de l’Iliade, et la variété agréable de l’Odyssée. Linus crut que ces beaux vers avaient été faits par son père Apollon ; il était immobile, saisi et suspendu par un si doux chant. Hésiode, tout ému, ne pouvait résister à ce charme. Enfin, revenant un peu à lui, il prononça ces paroles pleines de jalousie et d’indignation : Ô Virgile, tu as fait des vers plus durables que l’airain et que le bronze ! Mais je te prédis qu’un jour on verra un enfant qui les traduira en sa langue, et qui partagera avec toi la gloire d’avoir chanté les abeilles.





XXIV. Le Rossignol et la Fauvette.




Sur les bords toujours verts du fleuve Alphée, il y a un bocage sacré, où trois Naïades répandent à grand bruit leurs eaux claires, et arrosent les fleurs naissantes : les Grâces y vont souvent se baigner. Les arbres de ce bocage ne sont jamais agités par les vents, qui les respectent ; ils sont seulement caressés par le souffle des doux zéphyrs. Les Nymphes et les Faunes y font la nuit des danses au son de la flûte de Pan. Le soleil ne saurait percer de ses rayons l’ombre épaisse que forment les rameaux entrelacés de ce bocage. Le silence, l’obscurité et la délicieuse fraîcheur y règnent le jour comme la nuit. Sous ce feuillage, on entend Philomèle qui chante d’une voix plaintive et mélodieuse ses anciens malheurs, dont elle n’est pas encore consolée. Une jeune fauvette, au contraire, y chante ses plaisirs, et elle annonce le printemps à tous les bergers d’alentour. Philomèle même est jalouse des chansons tendres de sa compagne. Un jour, elles aperçurent un jeune berger qu’elles n’avaient point encore vu dans ces