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FABLES.





XXXIV. Le berger Cléobule et la nymphe Phidile.




Un berger rêveur menait son troupeau sur les rives fleuries du fleuve Achéloüs. Les Faunes et les Satyres, cachés dans les bocages voisins, dansaient sur l’herbe au doux son de sa flûte. Les Naïades cachées dans les ondes du fleuve, levèrent leurs têtes au-dessus des roseaux pour écouter ses chansons. Achéloüs lui-même, appuyé sur son urne penchée, montra son front, où il ne restait plus qu’une corne depuis son combat avec le grand Hercule ; et cette mélodie suspendit pour un peu de temps les peines de ce dieu vaincu. Le berger était peu touché de voir ces Naïades qui l’admiraient : il ne pensait qu’à la bergère Phidile, simple, naïve, sans aucune parure, à qui la fortune ne donna jamais d’éclat emprunté, et que les Grâces seules avaient ornée et embellie de leurs propres mains. Elle sortait de son village, ne songeant qu’à faire paître ses moutons. Elle seule ignorait sa beauté. Toutes les autres bergères en étaient jalouses. Le berger l’aimait, et n’osait le lui dire. Ce qu’il aimait le plus en elle, c’était cette vertu simple et sévère qui écartait les amants, et qui fait le vrai charme de la beauté. Mais la passion ingénieuse fait trouver l’art de représenter ce qu’on n’oserait dire ouvertement : il finit donc toutes ses chansons les plus agréables, pour en commencer une qui pût toucher le cœur de cette bergère. Il savait qu’elle aimait la vertu des héros qui ont acquis de la gloire dans les combats : il chanta sous un nom supposé ses propres aventures ; car, en ce temps, les héros mêmes étaient bergers, et ne méprisaient point la houlette. Il chanta donc ainsi :

Quand Polynice alla assiéger la ville de Thèbes pour renverser du trône son frère Étéocle, tous les rois de la Grèce parurent sous les armes, et poussaient leurs chariots contre les assiégés. Adraste, beau-père de Polynice, abattait les trou-