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LIVRE iii.

arrivent, leur pays, les noms des hommes qui y sont, leur genre de commerce, le prix de leurs marchandises, et le temps qu’ils doivent demeurer ici. Il fait encore pis ; car il use de supercherie pour surprendre les marchands, et pour confisquer leurs marchandises. Il inquiète les marchands qu’il croit les plus opulents ; il établit, sous divers prétextes, de nouveaux impôts. Il veut entrer lui-même dans le commerce ; et tout le monde craint d’avoir quelque affaire avec lui. Ainsi le commerce languit, les étrangers oublient peu à peu le chemin de Tyr, qui leur était autrefois si doux : et, si Pygmalion ne change de conduite, notre gloire et notre puissance seront bientôt transportées à quelque autre peuple mieux gouverné que nous.

Je demandai ensuite à Narbal comment les Tyriens s’étaient rendus si puissants sur la mer : car je voulais n’ignorer rien de tout ce qui sert au gouvernement d’un royaume. Nous avons, me répondit-il, les forêts du Liban qui fournissent le bois des vaisseaux ; et nous les réservons avec soin pour cet usage : on n’en coupe jamais que pour les besoins publics. Pour la construction des vaisseaux, nous avons l’avantage d’avoir des ouvriers habiles. Comment, lui disais-je, avez-vous pu faire pour trouver ces ouvriers ?

Il me répondait : Ils se sont formés peu à peu dans le pays. Quand on récompense bien ceux qui excellent dans les arts, on est sûr d’avoir bientôt des hommes qui les mènent à leur dernière perfection ; car les hommes qui ont le plus de sagesse et de talent ne manquent point de s’adonner aux arts auxquels les grandes récompenses sont attachées. Ici on traite avec honneur tous ceux qui réussissent dans les arts et dans les sciences utiles à la navigation. On