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Page:Fenelon - Aventures de Telemaque suivies du recueil des fables, Didot, 1841.djvu/70

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LIVRE iii.

suivre jusque dans les rivages les plus inconnus ! Heureux qui pourrait vivre et mourir avec vous ! mais un destin sévère m’attache à cette malheureuse patrie ; il faut souffrir avec elle : peut-être faudra-t-il être enseveli dans ses mines ; n’importe, pourvu que je dise toujours la vérité, et que mon cœur n’aime que la justice. Pour vous, ô mon cher Télémaque, je prie les dieux, qui vous conduisent comme par la main, de vous accorder le plus précieux de tous leurs dons, qui est la vertu pure et sans tache jusqu’à la mort. Vivez, retournez en Ithaque, consolez Pénélope, délivrez-la de ses téméraires amants. Que vos yeux puissent voir, que vos mains puissent embrasser le sage Ulysse, et qu’il trouve en vous un fils qui égale sa sagesse ! Mais, dans votre bonheur, souvenez-vous du malheureux Narbal, et ne cessez jamais de m’aimer.

Quand il eut achevé ces paroles, je l’arrosai de mes larmes sans lui répondre : de profonds soupirs m’empêchaient de parler ; nous nous embrassions en silence. Il me mena jusqu’au vaisseau ; il demeura sur le rivage ; et quand le vaisseau fut parti, nous ne cessions de nous regarder tandis que nous pûmes nous voir.

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