Page:Feraud - Dictionnaire critique de la langue française, T2.pdf/18

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pas troubler l’eau, dit ironiquement Mde. de Sévigné. —— Il n’y a pire eau que celle qui dort, qui croupit ; il faut se défier des sournois, des mélancoliques.

On dit aussi, de celui qui se plait à quelque chôse, qu’il y est comme le poisson dans l’eau ; et quand il en est privé, que c’est le poisson hors de l’eau. —— Et d’un homme peu habile dans les afaires, que si on l’envoyait à la rivière, il n’y troûverait pas de l’eau. —— Voy. Bâs, adjectif ; Cou, Feu, Goutte, Noyer, Vin.

Rem. Tous les mots suivans doivent porter l’accent aigu sur l’E : on les écrivait aûtrefois sans accent, et dans le Rich. Port. on a continué cette pratique. Aparemment qu’on a jugé cet accent peu nécessaire ; il est du moins très-utile, et l’usage le demande aujourd’hui.

ÉBAHIR (S’) v. r. Ébahissement, s. m. [Éba-i, iceman : l’h s’aspire : 4e e muet au 2d.] S’étoner, être surpris. Étonement, surprise. L’Acad. dit que ces deux mots vieillissent. On disait dans Trév. dès le commencement du siècle, qu’ébahissement était vieux. Pour le verbe, on avertit qu’il ne se dit guère qu’avec le pronom personel, s’Ebahir, et dans presque tous les exemples qu’on done, il est employé au passif : être ébahi : Je suis tout ébahi : c’est-là en éfet son unique emploi.

Rem. Jacques Grevin dona en 1561 une Comédie, qui avait pour titre : Les Ebahis. Ce verbe s’est maintenu, dit La Monnoie, jusqu’au milieu du siècle dernier. Il a depuis insensiblement vieilli, et il ne trouve plus sa place que dans le burlesque. —— St. Amant s’en est servi dans son Moyse Sauvé, où décrivant les Israélites, qui passaient la Mer Rouge à pied sec, il dit :

Les poissons ébahis les regardent passer. Vers dont, pour une autre raison, Boileau s’est moqué dans sa Poètique. La Monn. —— On se sert encôre du partic. dans le st. fam., mais il est un peu bâs et populaire. Il a le régime d’étoné : " Je la laissai tristement ébahie de tout ce qu’elle voyoit. Mariv.

ÉBARBER, v. a. Ébarboir, s. m. [1re é fer. 3e é fer. au 1er, dout. au 2d. Ébarbé, boar.] Ebarber, c’est ôter les parties excédentes et superflues de quelque chôse. Ebarber du papier, des plumes, des pièces de monnoie. Trév. ne le dit que des


métaux. —— Ébarboir, outil qui sert à ébarber.

Rem. * Autrefois on disait ébarber, pour faire la barbe ; et Trév. lui done encore ce sens ; Se faire ébarber. —— Joubert le met parmi les mots vieux et burlesques.

ÉBAT, * Ébatement, s. m. * Sébatre, v. réc. [1re é fer. 3e e muet aux 2 dern. Éba, Ébateman, Ébatre.] Passe-temps, divertissement. Se réjouir, se divertir. Ébatement et s’Ébatre, sont vieux et hors d’usage. Ébat, se dit encore, mais seulement dans le style familier et au plur. Prendre ses ébats. —— Les deux autres étaient autrefois employés dans le beau style.�

Tu suis mes énemis, t’assembles en leur bande,
Et des maux qu’ils me font prends ton ébatement.

Malh.

" Elle étoit descendûe sur le rivage pour s’ébatre avec ses compagnes. D’Ablancourt.

ÉBAUBI, ie, adj. [Ébobi, bî-e : 1re é fer. 2e dout. 3e lon. au 2d.] Êtoné, surpris. Il est populaire, et ne peut se dire qu’en plaisantant. " A qui en avez-vous, Madame, avec vos exclamations ? Oh ! rien ; mais me voilà bien ébaubie. Mariv.

Je suis tout ébaubie, et je tombe des nûes. Mol. Tartufe.

ÉBAÛCHE, s. f. Ébaucher, v. act. Ébauchoir, s. m. [Ébôche, boché, bochoar ; 2e lon. au 1er, dout. aux deux aûtres.] Ébaûche, ébaucher, se disent au propre d’un ouvrage de Peinture ou de Sculpture, qui n’est que grossièrement comencé : au figuré, il se dit des ouvrages d’esprit. Ebaucher une statûe, un tableau : « Ce n’est que la première ébauche. » Cet Auteur n’a pas mis la dernière main à son ouvrage : il ne l’a qu’ébauché. " Cette pièce n’est qu’une ébauche. —— Voyez Esquisse.

Ébauchoir ne se dit qu’au propre, et seulement en termes de sculptûre. C’est un outil de bois ou d’ivoire, dont les Sculpteurs se servent pour ébaucher.

* ÉBAUCHÉMENT, adv. Brièvement, et sans entrer dans le détail. " Il ne m’en a parlé qu’ébauchément ; c’est un mot barbâre du jargon néologique moderne.

* ÉBAUDIR, v. a. Ébaudissement, s. m. Récréer, récréation. Ils sont vieux, et ne peuvent plus être bons que pour le burlesque. Ebaudir ses esprits ; s’ébaudir. " Vous tous, Critiques à la journée, à la