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En prenant le thé.

Je trouvai là cent choses de lui, ses vêtements de chaque jour…

Sur la cheminée, son porte-cigare ; sur une table, sa montre qu’il avait oubliée, tous objets vides de lui, que je m’occupai à ranger.

Dieu ! que le temps me semblait long !

Et pourtant il était à peine onze heures.

Je me mis à disposer des fleurs dans les vases du salon ; je fis et refis dix fois les bouquets, puis, quand vint l’heure, je renvoyai Manette et me chargeai de mettre le couvert.

Il faut en être à une première absence, mignonne aimée, pour comprendre tout le plaisir que j’eus à plier moi-même sa serviette sur son assiette et à songer à tout ce qu’il aimait ; je passai un temps infini à graver dans le sel de la salière ses initiales… pour le poivre, je n’y pus parvenir ; — j’allai moi-même à la cave chercher le vin qu’il aimait et fus toute furieuse d’être confinée dans cette ferme, en plein pays perdu, où l’on n’a pas de glace.

Quand tout fut fini, quand la table fut reluisante de cristaux et d’argenterie, je m’assis dans une chauffeuse auprès de la fenêtre, et j’écoutai l’horizon.