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ait pour elle les Commentaires de César et les mille sept traducteurs ou commentateurs des Commentaires, lesquels ont l’air de ressembler un peu trop aux bulletins de la grande armée. Sur tous ces points, nous nous retranchons dans notre sentiment historique individuel, et nous nous sommes fait un passé à notre usage : d’abord, parce qu’il est définitivement reconnu que les hommes ne croissent pas précisément en une nuit comme les champignons, et enfin parce que c’est une supposition toute gratuite de croire que la population éburonne fut complétement exterminée ou forcée de se réfugier dans les marais de la Hollande. Ceci n’exige qu’une simple réflexion et la connaissance de l’histoire du monde. Nous le demandons, jamais une nation fut-elle réduite à de pareilles extrémités ? Dans de semblables désastres, — la perte d’une bataille, — quelques personnages puissants ou distingués, attachés au gouvernement renversé, se tuent ou s’expatrient, mais c’est tout ; la masse de la population, ce qui constitue le peuple, n’ayant pas beaucoup à perdre, reçoit le vainqueur comme s’il ne l’était pas, le souffre, lui obéit, avec répugnance, ce qui est naturel, jusqu’à ce qu’il le subjugue à son tour, ce qui n’est pas rare, ce qui est l’ordinaire même, mais sans aller chercher la liberté dans d’autres parages. Il ne faut être rien moins que Virgile pour faire voyager tout un peuple selon sa fantaisie, et cela ne se voit que dans son poème.

Pourquoi donc ce qui est arrivé partout ne serait-il pas arrivé dans l’Éburonie ? Quand on aura appris que les Romains s’avançaient victorieux, les familles puissantes ou riches se seront enfuies à leur approche pour sauver ou leurs têtes ou leur fortune. Le peuple n’a pas les mêmes