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clamer le pas, et se mette à chanter les commérages du quartier ou l’indifférence de la beauté qu’il aime, on lui cède à l’instant la place ; et l’intelligence, là comme ailleurs, n’a qu’à paraître pour dominer la foule.

Voici une strophe que l’on chantait au milieu du XVIIe siècle ; il en est sans doute de plus anciennes, car des édits de nos magistrats ont souvent défendu et défendent grand nombre de chansons qui disent trop souvent de ces vérités qui ne sont pas toujours bonnes à dire :

Nost âgne k’aveu les qwatt pi blan
Et les oreie à l’advinan !…
Oh ! n’vindan nin nost âgne,
Nost âgne, nost âgne, nost âgne,
Ni vindan nin nost âgne,
C’est l’profi del mohon.

Ces vers avaient sans doute alors un attrait de circonstance que nous soupçonnons, mais dont on n’a pas conservé la mémoire.

Ainsi, les mœurs et les habitudes du peuple liégeois rendaient le wallon d’un usage journalier. Il serait facile de prouver, si notre cadre le permettait, que la constitution républicaine du pays exerça une grande influence sur cet idiome. À la fin du Xe siècle, les Liégeois possédaient déjà une représentation nationale, et chez eux l’insurrection contre un acte arbitraire du pouvoir était érigée en maxime fondamentale de l’État. Une institution qui n’a pas d’analogue ailleurs, atteste de plus que les diverses parties de la constitution étaient heureusement pondérées : c’était le Tribunal des Vingt-Deux, censeur rigide des ministres de l’évêque, juge suprême des juges, arbitre du chef de l’État et de la nation, tri-