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VIII

CŒUR-VAILLANT

En ce moment précis, comme toutes les haches se levaient à leur tour, un ours énorme sortit de derrière un arbre, se dandinant en marchant sur ses pattes de derrière et faisant des contorsions tellement bizarres, que les sauvages, frappés de stupeur, s’arrêtèrent. Ils crurent que le malin esprit avait pris cette forme pour leur jeter un sort ; car il n’est pas de fausse religion qui n’ait ses superstitions.

Cependant l’un d’eux, voulant faire l’esprit fort, leva sa hache sur le nouveau venu. Mais un grognement terrible le fit reculer ; puis l’ours vint se coucher aux pieds des visages pâles. C’était plus qu’il n’en fallait. Les Peaux-Rouges quittèrent aussitôt la place au plus vite, abandonnant leurs prisonniers.

Ceux-ci n’en étaient pas beaucoup plus rassurés.

— Cet ennemi ne vaut guère mieux que les autres, fit Robert à voix basse.

Un rire sourd lui répondit. L’ours étendit sa patte armée d’un coutelas et coupa les liens qui retenaient les captifs. Ceux-ci, muets d’étonnement, se demandaient en vain le mot de cette énigme, lorsque l’ours, étant allé inspecter les alentours, revint près d’eux, et, rejetant le masque qui lui avait si bien servi, leur montra la tête énergique de l’homme qui, en parlant de Lucy, avait dit : « La jeune fille blonde a prononcé mon nom. » Du reste il se présenta lui-même :

— Je suis celui que les Peaux-Rouges (j’entends ceux qui sont honnêtes) appellent le Cœur-Vaillant. Vous avez parlez de moi, hier. Qui êtes-vous ?

— Les enfants du commandant de Morville, répondit Robert avec élan, pendant que ses sœurs s’emparaient des mains du rude chasseur.