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FABLE LXXXIX.

LE VIEILLARD ET LE JEUNE MILITAIRE.


 
Sur la porte d’une chaumière,
Un vieillard enlaçoit des joncs et des osiers,
Et façonnoit gaîment corbeilles et paniers.
Près de lui passe un jeune militaire :
Bon homme, lui dit-il, et que pouvez-vous faire ?
Vous êtes accablé sous le fardeau des ans,
C’est le temps du repos : — En est-il dans la vie ?
Jadis avec honneur je servis la patrie,
Ensuite avec plaisir j’ai cultivé les champs.
Ma foiblesse aujourd’hui me borne à cet ouvrage,
Il m’amuse, monsieur ; voilà mes seuls talens.
Je vends tous mes paniers aux filles du village
Pour porter au marché leurs fruits ou leur laitage,
Et je vends ma corbeille un bon prix aux amans ;
On ne marchande point au temps du mariage,
Et c’est-là qu’on étale et bouquets et présens,
Quand on veut entrer en ménage.
Moyennant mon travail, je ne manque de rien,
De pain, s’entend, car c’est-là tout mon bien.
— Mais qui prend soin de vous si vous êtes malade ?
— Les villageois, un camarade
De quelques ans moins vieux que moi,
Se sont chargés de ce touchant emploi.
Je ne puis les payer que de reconnoissance,
De vœux qui sur leurs champs appellent l’abondance.
Le jeune homme reprit : C’est un sort bien affreux,
Étant privé de tout, de languir sur la terre !