ÉPITRE
À Melle DU P. B.
Je vous regrette, mademoiselle, et c’est de tout mon cœur : on prend aisément l’habitude de vivre avec vous ; ce plaisir m’est devenu nécessaire :
Qui vous voit tous les jours, vous aime davantage.
Si de chagrins mon esprit tourmenté
De la raison faisoit un foible usage,
Ou bien, si ma frêle santé
Réveilloit mon humeur parfois atrabilaire,
Je volois retrouver votre société ;
Mon penchant m’indiquoit ce baume salutaire :
Près de vous je sentois renaître ma gaîté,
Et même le désir de plaire.
Me voilà donc retombée dans ma noire mélancolie ; elle
prendroit une teinte plus douce, si j’avois l’espérance
de vous revoir, de retourner quelque jour chez mes
compatriotes ; mais non, je suis trop infirme, pour me
bercer d’un plaisir éloigné.
Je ne reverrai plus ces ravissans coteaux,
Je n’entendrai plus les musettes
Des tendres pasteurs tourangeaux
Accompagnant leurs chansonnettes,
Et faisant redire aux échos
Le doux nom de leurs bergerettes.
Je n’irai plus avec le vendangeur
Cueillir la grappe jaunissante,