Page:Ferry - Discours et opinions, tome 1.djvu/301

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livre qui sera mis sous les yeux de ces petits enfants, les histoires que l’on y placera, les commentaires dont on doit les orner. Pour lui, la science morale doit se trouver au bas de l’échelle comme au sommet. Ayant établi cette base, Condorcet y superposait trois étages : un enseignement primaire, un enseignement secondaire et un enseignement scientifique ou supérieur.

Dans sa pensée, ces trois degrés d’institution devaient être gratuits et communs à tous ; c’est là le côté grandiose de la conception ; ces trois degrés, qui s’étendent de 6 à 18 ans, comprennent d’abord l’enseignement primaire, qui va de 6 à 10 ans et qui se compose de la lecture, de l’écriture, de la morale, qui prend l’enfant dès le jeune âge, et qui a surtout pour but de lui révéler la grande famille à laquelle il appartient et qui s’appelle la patrie ; après la morale, le calcul, qui doit être poussé très loin, parce qu’il est nécessaire à tout le monde ; enfin, l’histoire naturelle la plus élémentaire, enseignée à l’enfance d’une façon toute particulière, analogue à la méthode actuelle des écoles primaires de l’Amérique du Nord.

J’entends par là un interrogatoire que le maître fait porter sur les choses, sur leur nature, sur leur provenance, sur les objets familiers, de manière à faire entrer dans l’esprit de l’enfant des notions exactes sur la composition et sur les usages des choses qui l’entourent.

Au second degré d’enseignement, – il y a là une conception profonde de la part de Condorcet, – le cours se divisait en deux parties, et cette division en deux parties avait cet avantage de résoudre un problème qui a préoccupé beaucoup d’esprits en ce temps-ci, qui les préoccupe encore, et qui va revenir, un jour ou l’autre, devant l’assemblée du pays : le problème de l’organisation de l’enseignement professionnel. Je crois qu’on n’a jamais touché de plus près la solution que Condorcet. Il établissait une instruction générale où l’on apprenait tout ce qu’il faut savoir de toutes les sciences, sans entrer dans le détail professionnel, et, à côté, des cours spéciaux entre lesquels l’élève pouvait choisir, qui fournissaient à chacun le moyen d’approfondir, au point de vue des professions diverses, les connaissances esquissées dans la section d’instruction générale.