Page:Ferry - Discours et opinions, tome 1.djvu/303

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messieurs, seront sa gloire et son honneur éternels. (Applaudissements chaleureux.)

Malheureusement, messieurs, il manquait à ces grandes pensées le nécessaire, l’indispensable des grandes œuvres, l’argent ! La Convention n’était pas riche ; il n’a jamais été donné, à un grand pays, de mener de front ces deux choses : la guerre et l’éducation du peuple. (Applaudissements.) Il faut choisir, et la Convention n’était pas libre dans son choix ; elle a sauvé la patrie, mais elle ne pouvait pas sauver l’éducation. On voit dans l’histoire de ce temps, si bien racontée par notre illustre maître, M. Carnot, que le Comité d’instruction publique de la Convention faisait des prodiges d’activité, qu’il rivalisait, à cet égard, avec le Comité de salut public, mais il n’en était pas moins le plus à court ; l’argent manquait et on aboutit dans les derniers jours de la Convention, alors que l’enthousiasme républicain sortait un peu éteint de tant d’orages, à un projet tout à fait modeste qui ne comprenait que l’instruction primaire et qui avait le grand tort de ne pas la rendre obligatoire. Puis, les événements suivirent leur cours ; l’esprit public s’affaissa ; l’horizon devint de plus en plus sombre et plus sanglant ; l’Empire arriva : ce fut la nuit… (Tonnerre d’applaudissements), et, en fait d’instruction publique, le premier Empire ne nous donna que deux choses : l’école du peloton et l’école des frères ignorantins. (Nombreux applaudissements.)

Oui, messieurs, on trouve, une fois, dans les budgets du premier Empire, une subvention magnifique, digne de ce grand gouvernement, une subvention de 4 654 fr. pour les frères ignorantins ! Et c’est tout ce que fit l’Empire pour l’instruction du peuple !

Depuis, vous savez quels efforts ont été faits, et combien les résultats laissent à désirer, malgré tant d’apôtres de l’enseignement populaire qui se sont rencontrés dans ce grand pays de France, et qui n’ont certes, comme celui qui nous préside à cette heure, marchandé à cette sainte cause ni le courage, ni l’éloquence. (Bravo ! Bravo !)

Nous n’avons pas renoncé aux traditions de Condorcet ; nous cherchons à les réaliser sans y parvenir ; mais voici un phénomène admirable, et c’est surtout pour vous le décrire que je suis venu à cette tribune. Cette tradition qui sortait des entrailles,