Page:Ferry - Discours et opinions, tome 1.djvu/310

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

oui, mesdames, je le sais, vous la ratifiez, vous êtes sur ce point-là en plébiscite perpétuel. (Applaudissements et rires.)

Vous acceptez ce que j’appellerai, non pas votre servitude, mais, pour prendre un mot très juste, qui est celui de Stuart Mill, vous acceptez cet assujettissement de la femme qui se fonde sur son infériorité intellectuelle, et on vous l’a tant répété, et vous l’avez tant entendu dire, que vous avez fini par le croire. Eh bien, vous avez tort, mesdames, croyez-moi, et, si nous en avions le temps, je vous le prouverais.

Lisez du moins le livre de M. Stuart Mill sur l’assujettissement des femmes, il faut que vous le lisiez toutes : c’est le commencement de la sagesse ; il vous apprendra que vous avez les mêmes facultés que les hommes. Les hommes disent le contraire, mais en vérité, comment le savent-ils ? C’est une chose qui me sur-passe. Diderot disait : Quand on parle des femmes, il faut tremper sa plume dans l’arc-en-ciel, et secouer sur son papier la poussière des ailes d’un papillon ; c’est une précaution que ne prennent pas, en général, les hommes, quand ils parlent des femmes ; non ! ils ont tous une opinion exorbitante sur ce point.

Les femmes, dites-vous, sont ceci et cela. Mais, mon cher Monsieur, qu’en savez-vous ? pour juger ainsi toutes les femmes, est-ce que vous les connaissez ? Vous en connaissez une, peut-être, et encore ! (Rires.)

Apprenez qu’il est impossible de dire des femmes, êtres complexes, multiples, délicats, pleins de transformations et d’imprévu, de dire : elles sont ceci ou cela ; il est impossible de dire, dans l’état actuel de leur éducation, qu’elles ne seront pas autre chose, quand on les élèvera différemment. Par conséquent, dans l’ignorance où nous sommes des véritables aptitudes de la femme, nous n’avons pas le droit de la mutiler. (Applaudissements).

L’expérience, d’ailleurs, démontre le contraire de ce préjugé français ; et c’est encore l’Amérique qui nous en fournit la preuve. M. Hippeau est allé à Boston, à Philadelphie, à New-York ; il a visité des établissements dans lesquels sont réunies des jeunes filles destinées aux hautes études ; des établissements mixtes où les jeunes filles et les jeunes garçons, par un phénomène extraordinaire, sont réunis sous l’œil d’un même