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INTRODUCTION

N’ayant plus qu’un rayon de foi insuffisant pour se conduire, elle se montre habile afin d’éviter les chutes dans sa demi-obscurité ; et c’est encore une consolation pour ceux qui persistent à l’aimer, que de l’entendre chanter à pleins poumons la nature, œuvre de Dieu, et de la voir reporter tout son amour sur la créature, puisque sa croyance au Créateur lui a presque entièrement échappé.

La Poésie actuelle, ombre ou spectre de l’antique Poésie, souveraine déchue des temps fabuleux, s’est faite comédienne pour vivre. Elle règne encore par la couleur et par la forme, puisque — en dépit de ses fidèles dégénérés — elle est éternellement belle ; mais tout son royaume écroulé, soutenu sur des tréteaux, ne s’étend pas au delà des planches ; et elle n’a plus guère pour sujets que des spectateurs, qui ont acquis, en la payant, le triste droit de l’outrager.

Toutefois, telle qu’elle est, gardons-nous bien de la maudire et de l’exiler : même réaliste, elle conserve — avons-nous dit — des trésors de beauté ;