La Chair a tout vaincu, l’Âme n’est plus maîtresse.
Heureuse, caressée, et souveraine seule,
La chair, toujours la chair étendait ses pouvoirs
Arrière donc, basse cohorte,
Matérialistes sans cœur !
Esclaves de la pire sorte,
Place aux élus du Créateur !
Et les plus magnifiques âmes
Consument, là, leurs nobles flammes
À n’enfanter que des non-sens :
Et le siècle, écolier docile,
Traduit en morale facile
Qu’en effet il ne croit qu’aux sens.
S’il dit : Ma chair est tout ! l’homme se calomnie…
Allez ! les vieux amants des sens et de la forme,
Que votre amour en paix sous les myrtes s’endorme !
Nous avons découvert un autre amour plus beau,
Qui ne se pourrit pas aux fraîcheurs du tombeau !
Domaine de l’Esprit, monde de la Matière,
Je recevrai du ciel l’investiture entière. —
La mort n’atteint que la Matière
Qu’elle pétrit dans le tombeau ;
L’Esprit, pour une autre carrière,
Emprunte un vêtement nouveau.
Lisez sans chercher Pan au fond de la nature.
Tandis que le vulgaire… au positif se vautre,
Qu’il est beau de te voir, amant de l’Idéal !…
Et les artistes saints, créateurs après Dieu,
Animés de son souffle, éclairés de son feu.
Durent par les couleurs, et le marbre et la lyre,
Rendre de l’univers ce qu’ils y savent lire.
Elle vole plus haut l’âme du vrai poëte !…
Son esprit a vaincu la fange,
Et son travail est de penser.