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Page:Fertiault - Un martyr de l’intelligence, 1848.djvu/11

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Et l’on dira : — « Voyez, voyez, cet homme est fou ! »
Et l’on te jettera dans ton ignoble trou !!…

En te voyant traqué, tu bondiras de rage.
Mais bientôt t’affaissant aux barreaux de ta cage,
Tu ne parleras plus en grand homme blessé ;
Tes traits fixes diront ton génie éclipsé ;
Confondant l’étranger et ton compatriote,
Tu riras aux passants d’une lèvre idiote ;
Et si, de loin en loin, il te vient des lueurs
Rappelant le secret trouvé par tes sueurs.
Sur le premier venu, dans ton affreuse joie,
Tu poseras la main comme sur une proie ;
Tantôt d’un œil ardent tu le menaceras,
Tantôt d’un œil éteint tu le contempleras ;
Lui montrant sous tes doigts ton manuscrit sublime,
Tes pensers bondiront de leur base à leur cime,…
Tu voudras lui parler, et tu lui feras peur,
Ô Salomon de Caux qui trouvas la vapeur !

Va ; dans ton cabanon promène ta folie ;
Proclame par moment ton œuvre, qu’on spolie ;
Frappe-toi ; fais couler ton sang noir sur ton front ; …
De tes contemporains laveras-tu l’affront ? —
Pour actions de grâce ils t’ont fait ta démence…
On est toujours honni du siècle qu’on devance !


F. FERTIAULT.