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Page:Feuerbach - Essence du Christianisme, 1864.pdf/185

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essence du christianisme

XVI

LE MYSTÈRE DU CHRIST OU DU DIEU PERSONNEL

Les mystères fondamentaux du christianisme sont, comme nous l’avons vu, des vœux réalisés ; le christianisme n’est que l’imagination au service du cœur. Il est plus agréable et plus commode de souffrir que d’agir, plus agréable d’être délivré et sauvé par un autre que de se délivrer soi-même, de faire dépendre son salut d’une personne que de la force de l’activité volontaire ; plus agréable d’aimer que de faire des efforts, de se savoir aimé de Dieu que de s’aimer soi-même, de l’amour simple, naturel, inné dans tous les êtres ; plus agréable de se mirer dans les yeux rayonnants d’amour d’un autre être personnel, que de jeter un regard dans le miroir de sa conscience ou dans les froides profondeurs de l’océan de la nature ; plus agréable et plus commode en général de se laisser diriger par son propre cœur comme si c’était le cœur d’un autre, au fond pourtant le même que nous, que de se diriger soi-même par l’intelligence et la raison. Le cœur est le moi souffrant et il souffre de son action sur lui-même comme d’une impression extérieure. Sa nature, la nature du sentiment est une nature rêveuse ; aussi ne connaît-il rien de plus agréable, rien de plus profond que le rêve. Dans le rêve, mon action sur moi-même me paraît venir du