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Page:Feuerbach - Essence du Christianisme, 1864.pdf/330

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essence du christianisme

les yeux l’essence de la nature qui se consacre libéralement à la satisfaction de tes besoins ! Et si tu ne peux t’empêcher de sourire en m’entendant nommer le boire et le manger des actes religieux, parce que tu les trouves communs, et qu’étant répétés tous les jours, ils sont accomplis par une infinité d’hommes sans l’intelligence, l’esprit et l’intention qui leur sont dus, veuille bien remarquer aussi que l’eucharistie elle-même est chez beaucoup d’individus un acte grossier et sans esprit parce qu’il a lieu souvent. Pour apprécier l’importance religieuse de l’usage du pain et du. vin, transporte-toi donc par la pensée dans des circonstances où cet acte journalier est violemment interrompu. La faim et la soif ne détruisent pas seulement chez l’homme la force physique, mais encore la force morale et intellectuelle. Elles le privent de son humanité, de sa raison et de sa conscience. Oh ! si jamais tu éprouves un tel malheur, combien tu apprécieras, combien tu béniras les qualités naturelles du pain et du vin qui te rendront l’intelligence et la vie ! C’est ainsi qu’il suffit d’interrompre le cours ordinaire des choses pour trouver une valeur immense dans ce qui paraît commun, pour attribuer à la vie en général une signification religieuse. Que le pain soit donc sacré pour nous, sacré le vin, mais sacrée aussi l’eau ! Amen.