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essence du christianisme

rien connaître de Dieu, que ses pensées sont seulement mondaines, terrestres ; mais, par compensation, les pensées de Dieu ne sont que des pensées humaines. Dieu a des plans comme l’homme, dans la tête ; il se règle sur les circonstances et la force d’intelligence des hommes comme un professeur sur les facultés de ses élèves ; il calcule au plus juste l’effet de ses dons et de ses révélations ; il observe l’homme en tout ce qu’il fait ; il sait tout, même ce qu’il y a de pis, de plus terrestre, de plus commun. En un mot, l’homme nie sa pensée, sa science, pour les placer en Dieu ; il sacrifie sa personnalité ; mais, Dieu, l’être infini, tout-puissant, est pour lui un être personnel ; il sacrifie l’honneur humain, le Moi humain ; mais Dieu est pour lui un être égoïste qui, en toutes choses, ne pense qu’à lui même ; Dieu n’est qu’une personnalité ennemie de toute autre qu’elle, que l’égoïsme qui se repaît de la jouissance de son moi. D’un autre côté, la religion ne trouve rien de bon dans la nature humaine ; pour elle l’homme est mauvais, corrompu, porté au mal ; Dieu seul est bon, seul voulant le bien. Mais du moment où l’on veut que le bien, dont la nature est divine, soit l’objet de la pensée et le but des actions de l’homme ne déclare-t-on pas que le bien est un attribut de la nature humaine ? Si je suis méchant d’une manière absolue, dans ma nature, dans mon essence, comment ce qui est bon peut-il être l’objet de ma pensée ? Comment pourrai-je trouver de la beauté dans un beau tableau si mon âme n’a pas le sens esthétique ? Ou le bien n’existe pas pour l’homme, ou il existe pour lui, et c’est là la révélation de la bonté, de la sainteté de sa nature. Ce qui n’a avec ma manière d’être aucun lien