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LA RELIGION

harmonie ; par sa composition, l’union des éléments les plus opposés pour la formation d’un seul tout, union que de tout temps les déistes, dans leur ignorance de la nature, ont regardée comme une preuve irréfutable de l’existence d’un dieu séparé du monde. — Qu’est donc, en définitive, ce dieu du sel ? ce dieu dont l’existence, l’empire, la révélation, les effets, les qualités, sont contenus dans le sel ? Ce n’est pas autre chose que le sel lui-même, qui, à cause de ses propriétés, paraît à l’homme un être divin, c’est-à-dire bienfaisant, magnifique, digne de louange et d’admiration. « Divin, » telle est l’épithète que lui donne Homère. Eh bien ! de même que le dieu du sel ne fait que révéler la divinité du sel, de même le dieu du monde ou de la nature en général n’est que la révélation et l’expression de la divinité de la nature.

VII

Croire que dans la nature il se manifeste un autre être que la nature elle-même, c’est croire que des esprits et des démons peuvent s’emparer de l’homme, et s’exprimer par son organe, c’est croire que la nature est possédée par un être étranger, au-dessus et en dehors des sens. Pour les croyants de cette espèce, c’est bien réellement un esprit qui domine et gouverne la nature ; mais cet esprit n’est pas autre chose que l’esprit de l’homme : c’est la fantaisie humaine qui, involontairement, transforme la nature et en fait un symbole, un miroir de son propre être.