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LA RELIGION

prouve qu’un Dieu existe, dit saint Ambroise, c’est qu’il n’y a qu’un monde. » — « De même que le soleil, la lune, le ciel, la terre et les mers sont communs à tous, dit Plutarque, mais cependant portent différents noms chez des peuples différents ; de même il y a un esprit qui dirige le monde honoré partout sous des noms et des cultes divers. » Dieu n’est point un être qui habite dans des temples construits par la main des hommes, mais la nature non plus. Les anciens Germains et les Perses qui n’adoraient que la nature faisaient leurs sacrifices et toutes les cérémonies de leur culte sur les montagnes, à la face du ciel. — Dieu est l’être grand, infini, incommensurable ; mais c’est parce que le monde son ouvrage est grand, infini, incommensurable, ou du moins paraît tel aux yeux de l’homme. L’œuvre loue celui qui l’a faite ; la magnificence du créateur se fonde sur la magnificence de la créature. — Dieu est l’être supra-terrestre, surhumain, le plus élevé de tous ; mais dans l’origine cet être représente seulement ce qu’il y a de plus haut et de plus éloigné dans l’espace, c’est-à-dire le ciel avec ses brillants phénomènes. Toutes les religions placent leurs dieux dans la région des nuages, dans le ciel ou dans les étoiles ; tous les dieux vont se perdre à la fin dans les vapeurs azurées du ciel. Même le dieu spiritualiste des chrétiens a son siège dans les cieux. Dieu est l’être mystérieux, incompréhensible ; mais c’est parce que la nature est mystérieuse et incompréhensible pour l’homme, surtout pour l’homme religieux. « Sais-tu, dit Dieu à Job, comment se forment les nuages ? es-tu allé jusqu’au fond des mers ? connais-tu la grandeur de la terre ? Etc., etc. » Dieu enfin est l’être élevé au-dessus de l’arbitraire de