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LA RELIGION

L’eau vient de l’eau, mais d’une eau infinie qui embrasse tout ; les montagnes viennent d’une montagne, mais d’une montagne dont le sommet se perd dans les cieux ; et de même l’esprit vient de l’esprit, la vie vient de la vie, l’œil de l’œil, mais d’un œil, d’une vie et d’un esprit qui ont l’infini pour domaine.

XX

Quand un enfant fait chez nous cette question : « Mais d’où viennent donc les petits enfants ? » on lui fait entendre que c’est la nourrice qui les tire d’une fontaine dans laquelle ils nagent comme des poissons. C’est ainsi que nous répond la théologie quand nous la questionnons sur l’origine des êtres naturels ou organiques. Dieu est la belle et profonde fontaine de la fantaisie, dans laquelle sont contenues toutes les réalités, toutes les forces, toutes les perfections et où les choses futures, déjà toutes faites, nagent comme de petits poissons. La nourrice qui les tire de là, c’est la théologie ; mais la personne principale, la nature, la mère qui engendre les enfants dans la douleur et les porte neuf mois sous son cœur, cette personne est entièrement oubliée dans cette explication, acceptable autrefois, mais aujourd’hui à peine bonne pour des enfants. Bien sûr, cette explication est plus jolie, plus agréable, plus légère et plus intelligible pour les enfants de Dieu que l’explication naturelle qui ne se fait jour qu’à travers mille obstacles. Mais l’explication que donnaient nos pieux ancêtres de la grêle, des épidémies, de la sécheresse, du tonnerre et des tempêtes, en les attribuant à des enchanteurs et à des sorciers ou