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LA RELIGION

XXXIV

Le monde, la nature sont pour l’homme ce qu’ils lui paraissent être ; son imagination, ses sentiments sont, sans qu’il le sache, la mesure de la réalité, et cette réalité lui apparaît telle qu’il est lui-même. Dès que l’homme est arrivé à avoir conscience que malgré le soleil et la lune, le ciel et la terre, l’eau et le feu, les plantes et les animaux, il est obligé de faire usage de ses propres forces pour conserver sa vie, que c’est injustice de la part des mortels de se plaindre des dieux parce que le malheur provient pour eux de leur manque d’intelligence, que le vice et le folie ont pour conséquence la maladie et la mort ; la sagesse et la vertu au contraire, la santé, le bonheur et la vie, et que par conséquent la raison et la volonté sont les puissances qui déterminent le destin de l’homme ; ainsi, dès qu’il n’est plus comme le sauvage jouet du hasard des impressions et des sensations que chaque instant amène, mais un être pensant qui agit d’après des règles de prudence et des principes rationnels, alors aussi la nature, le monde est pour lui un être que l’intelligence et la volonté dirigent et gouvernent.

XXXV

Dès que l’homme par l’intelligence et la volonté s’élève au-dessus de la nature et se prétend « maître des poissons dans la mer, des oiseaux dans l’air, et de tous les animaux qui vivent et rampent sur la terre ; » dès lors ce qu’il peut concevoir de plus su-