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LA RELIGION

sent et ce qui est passé ou absent, tout cela est embrassé par mon esprit, par ma tête. Cet esprit, cette conscience de l’homme qui paraît extraordinaire, surnaturelle à l’homme religieux, c’est-à-dire ignorant et grossier, cet être qui embrasse tout sans être lui-même une chose visible, soumise aux conditions de l’espace et du temps, voilà ce que le monothéisme place au sommet de l’univers et proclame comme sa cause. Dieu parle, Dieu pense le monde et aussitôt le monde est ; Dieu pense, Dieu dit, veut qu’il ne soit plus et aussitôt il n’est plus ; cela veut dire : Je puis dans ma pensée, par la force de l’imagination ou de la fantaisie, produire à volonté toutes choses et par conséquent le monde lui-même, lui donner l’existence et la lui enlever aussitôt. Le Dieu qui a tiré le monde du néant et qui peut l’y replonger quand bon lui semble n’est pas autre chose que l’essence de l’abstraction humaine par laquelle je puis me représenter le monde comme existant ou n’existant pas. De ce néant subjectif, de ce néant du monde dans la fantaisie, le monothéisme fait un néant objectif, réel. Le polythéisme, les religions de la nature en général transforment les êtres réels en êtres imaginaires ; le monothéisme fait des êtres imaginaires des êtres réels, ou mieux : l’essence de la pensée, de la puissance de l’imagination est pour lui l’être nécessaire, absolu, l’être suprême.

XXXVII

Le déisme proprement dit ou le monothéisme ne prend naissance que là où l’homme se regarde comme le centre, comme le but final de la nature, là où voyant