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LA RELIGION

truire dès que la nécessité, c’est-à-dire dès que le bien de l’homme l’exige. Rejeter les miracles sous prétexte qu’ils ne s’accordent pas avec la dignité et la sagesse du créateur, sagesse qui dès l’origine des temps a tout établi pour le mieux et pour l’éternité, c’est sacrifier l’homme à la nature, la religion à la raison, c’est au nom de Dieu prêcher l’athéisme. Un Dieu qui n’exauce que les vœux et les prières qui pourraient être exaucés sans lui, que les vœux dont l’accomplissement n’est pas au-dessus des limites et en dehors des conditions des causes naturelles, qui ne peut secourir qu’avec le secours de l’art et de la nature et dont les remèdes sont épuisés dès que la matière médicale est épuisée aussi, un tel Dieu n’est pas autre chose que la nécessité de la nature, déguisée et personnifiée sous le nom de Dieu.

XLV

« Dieu gouverne le monde ; » oui, mais ce Dieu n’est pas autre chose que ce qui dans l’opinion des hommes passe pour Dieu, pour saint en général, pour juste, pour sacré ; ce n’est que l’opinion dominante, consacrée, c’est-à-dire la foi d’une époque ou d’un peuple. Là où l’homme croit que sa vie dépend non d’une providence, mais d’une prédestination, d’un destin aveugle ou inévitable, que ce destin soit ou non pour lui un décret de la volonté divine, là sa vie n’est en réalité protégée par aucune providence, parce que jamais il n’interroge sa raison sur ce qu’il doit ou ne doit pas faire, parce qu’il ne prend aucune mesure de prudence et se jette aveuglément dans le danger. Lorsque, comme