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LA RELIGION

leur brise bras et jambes dans le sein de leurs mères, comme chez les Kamtschadales et où, comme dans la Guyane, la naissance de jumeaux passe pour honteuse et contre nature, de sorte que l’un d’eux est toujours sacrifié ; là, en un mot, où aucune intelligence humaine aucun cœur humain, aucune loi de l’homme ne protège les enfants, là ils ne sont pas protégés non plus par un père dans le ciel. La seule providence de l’humanité, c’est la culture, c’est la civilisation. Sagesse, bonté, justice ne règlent la vie de l’homme que là où l’homme est lui-même sage, bon est juste. « La providence, dit-on, est à chaque époque toujours d’accord avec le degré de mesure que l’humanité a jusqu’alors atteint. » Cela veut dire tout simplement : la limite de la civilisation est la limite de la providence : là où finit la première, la seconde finit aussi, là l’homme est livré sans armes aux puissances effrénées de la nature et des passions. Aussi n’est-ce que chez les peuples qui ont déjà une véritable culture historique que l’on trouve l’idée de providence ; chez ceux qui n’en ont pas, une idée si flatteuse pour l’homme n’a pas le moindre fondement et par conséquent ne peut être encore née.

XLVI

Croire en Dieu, c’est ou bien croire à la nature (l’être objectif) conçue comme un être subjectif, humain, ou bien croire à l’être de l’homme lui-même conçu comme essence, comme fondement de la nature. La première croyance est religion naturelle, poly-