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LA RELIGION

que chose en dehors d’elle. Mais comme elle contient des espèces et des différences infinies et que toutes sont contenues dans la mesure commune qui fonde sa nature propre, il s’ensuit que la nature terrestre, par cela même qu’elle embrasse tout, est la borne infranchissable de tout ce qui vit sur la terre et par conséquent de la vie de l’homme. Ainsi, là où les conditions indispensables à la vie humaine ne sont pas complètes, là aucune vie humaine n’est possible. Si, par exemple, l’expérience te démontre que dans un corps céleste il n’y a ni eau ni atmosphère, alors la raison, la nature même exigent de toi l’aveu qu’il n’y a là pour toi aucune place.

Si l’homme ne devait trouver l’accomplissement de sa destinée que sur Saturne, Uranus ou partout ailleurs, il n’y aurait ici-bas aucune philosophie et aucune science. Au lieu de vérités générales, abstraites, au lieu des principes des idées et des connaissances qui peuplent maintenant notre cerveau, ce seraient nos frères célestes, les êtres de Saturne et d’Uranus qui en seraient les habitants. Au lieu de mathématiques, de logique, de métaphysique, nous aurions toujours présents à notre esprit les portraits les plus exacts de ces êtres auxquels nous serions appelés à ressembler un jour. Ils se mettraient entre nous et les objets de la pensée, nous fermeraient la vue et produiraient comme une éclipse de soleil dans notre intelligence ; car ils nous seraient plus proches, plus parents que les pensées et les idées, n’étant pas comme elles des êtres abstraits, mais des êtres à la fois sensibles et spirituels qui n’exprimeraient que l’essence de l’imagination. Notre vie ne serait plus qu’un rêve, qu’une vision d’un