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LA RELIGION

que le corps vivant est un corps incorporel, une matière immatérielle ; et, si tu t’élèves de la considération de la matière pure à la contemplation de ce corps, tu verras que c’est un corps raffiné, spirituel, extra-sensible. La nature aussi a son ciel, et ce ciel, dans lequel le corps ressuscite, est transfiguré, ce ciel c’est la vie, c’est l’âme. La résurrection et le perfectionnement des corps doivent donc être cherchés dans la nature même, et non en dehors.

Quand tu ne dis et ne sais rien du corps que ceci : « Il est matière », tu ne dis rien, tu ne sais absolument rien. Ce n’est point là une détermination intime, qui aille au fond des choses et puisse être le principe de leur connaissance. Au contraire, tu te perds dans une vide abstraction, dans l’idée de la matière pure qui n’existe nulle part, et tu laisses de côté tout ce qui constitue l’organisme. L’animal se distingue des plantes et encore davantage des autres êtres par la fonction du boire et du manger ; l’homme aussi mange et boit ; mais le boire et le manger suffisent-ils pour déterminer la nature de l’homme ? Est-ce une définition de l’homme que celle-ci : L’homme est un être qui mange et boit ? Aussi stupide est cette définition, aussi stupide es-tu si tu ne comprends ton corps que sous l’idée de la matérialité pure et si tu ne lui donnes pas pour attribut l’immatérialité même. Ta seule connaissance de la vie consiste en ce que tu reconnais et avoues que tu n’en connais rien ; le plus haut degré où tu puisses arriver c’est à avoir conscience de ton manque complet d’idées, et, pour ce qui regarde le corps, à reconnaître qu’il est la négation de toutes tes imaginations sur la matière et sur l’âme, imaginations que, par contradiction avec