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LA RELIGION

Le corps est la mèche, la matière nutritive de l’âme. Là où il n’y a pas de matière, là il n’y a pas de feu. En ce sens, on peut dire que le feu est subordonné à la matière, qu’il en est l’instrument ; mais lorsqu’il la dévore, alors il en est le maître, c’est une puissance. De même que le feu cesse dès qu’il ne reste plus rien du corps combustible, de même, quand l’âme a dévoré tout son corps, quand il est usé et détruit par un usage continu, quand il n’y a plus en lui d’éléments contre lesquels elle puisse montrer son activité, et par la destruction desquels elle est ce qu’elle est, âme, alors vient la mort. Le corps est objet de l’âme, elle n’est âme que dans la destruction et dans l’anéantissement continuel de cette proie. L’immatérialité n’est pas un attribut paisible, fixe, mort, qui lui appartienne comme à une chose une propriété quelconque ; l’âme n’est immatérielle qu’en tant qu’elle nie et dévore la matière. Elle n’est pas une chose, un être fixe, en repos, qui soit dans le corps comme l’huître dans sa coquille ; elle est vie pure, pure activité, feu sacré et incorruptible ; elle n’est pas quelque chose de fini, d’accompli ; elle devient toujours, elle n’est jamais. Mais cette activité pure, cette âme telle qu’elle est, identique à un corps particulier, finit avec ce corps.

Si, dégageant tout ce qui est matériel de ces idées et de ces expressions grossières : « L’âme est dans le corps, elle est en dehors ou s’en sépare, » on cherche à en exprimer le sens véritable en pesant la différence importante de l’âme et de l’esprit, de la pensée et de la raison, alors on arrive à les interpréter ainsi : — Cette proposition : « L’âme est dans le corps, » n’a pas d’autre sens que celui-ci : « Elle est sensation ;  » et