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ments historiques. Depuis les temps les plus éloignés dans lesquels peut à peine pénétrer le regard de l’observateur, et où l’histoire elle-même se perd dans les ténèbres d’une vie inconsciente d’elle-même, depuis ces temps jusqu’à nos jours la conscience n’a jamais été brisée, interrompue. Si la conscience, en effet, pouvait être interrompue par le temps, non-seulement l’histoire mais encore l’existence de toute époque déterminée serait impossible, comme il te serait impossible à toi-même d’avoir une histoire, si ta conscience tombait dans le temps, et si, par lui, elle était brisée, séparée comme le sont les sensations et les événements de ta vie. Au-dessus du changement des temps et des individus, au-dessus des vagues des choses qui viennent et disparaissent, plane la conscience toujours égale, une et indivisible, et c’est dans le sein de cette unité qui lie, embrasse et éclaire les individus, les temps et les peuples, que l’humanité se meut, agit et se développe sans interruption.

L’histoire, révélation de l’esprit par lui-même, n’est pas un simple cours, comme, par exemple, le cours de l’eau. Loin d’être uniforme, elle est variée, différenciée, et suit une marche rationnelle qui a un but. précis. L’existence historique de l’individu est une existence déterminée par un but, et s’il meurt, ce n’est pas seulement par cette cause indéfinie qu’il est membre d’un tout ; c’est précisément parce qu’il est un membre déterminé. Chaque homme a une vocation qui se manifeste en lui comme penchant, talent, inclination. Cette vocation est ce qu’il y a de sacré, d’inviolable dans son être, c’est l’âme de son âme, le principe de sa vie, le génie providentiel de son existence. « Tu dois, tu es