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LA RELIGION

rationnels de leur foi, la jugent à peine digne d’être mentionnée.

Elle mérite donc d’être examinée et jugée la première.

C’est vrai, presque chez tous les peuples on trouve la croyance à l’immortalité ; mais ici, comme pour la croyance en Dieu, il s’agit de savoir ce que cette croyance exprime réellement. Tous les hommes croient à l’immortalité, cela veut dire : ils ne regardent pas la mort d’un homme comme le terme de son existence, par cette simple raison qu’en cessant d’exister réellement, visiblement, l’homme ne cesse pas d’exister spirituellement, c’est-à-dire dans le cœur, dans le souvenir de ceux qui lui survivent. Le mort n’est pas devenu rien pour les vivants, il n’est pas complètement anéanti, il n’a fait que changer de forme d’existence : d’être corporel il est devenu être spirituel, idéal, de réel imaginaire. Le mort ne fait plus d’impressions matérielles ; mais sa personnalité se soutient et en impose encore dans le souvenir. L’homme peu cultivé ne fait pas de distinction entre l’idée et l’objet, entre l’imagination et la réalité, il ne réfléchit pas sur lui-même, ce qu’il fait lui semble venir d’ailleurs ; l’actif est pour lui un passif, le rêve une réalité, la sensation une qualité des choses senties, l’idée d’un objet l’apparition de l’objet lui-même. Le mort est, par conséquent, pour lui un être qui existe réellement, comme l’empire du souvenir est pour lui un empire véritable. La croyance à l’immortalité, comme expression nécessaire de la nature humaine, n’exprime donc que cette vérité et ce fait reconnus même par les incrédules, à savoir, que l’homme ne perd pas avec son existence sensible son